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BRANDING mode : RETOUR SUR LA CONTROVERSE DU BLANDING

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En 2018, les grandes maisons de la mode et du luxe décident de mettre au goût du jour leur identité : Elles se défont des symboles, des détails, des empattements et s’emparent des fières linéales (typographie sans empattements), des élégants espaces négatifs (vide autour d’un sujet), et surtout à terme, courent vers l’inévitable ressemblance entre tous ces logos. C’est ce dernier point qui est à l’origine d’un vent de discorde : Pourquoi avoir effacé tout ce qui pouvait faire l’essence d’une identité visuelle ? Revenons sur ce phénomène qui a secouer d’incompréhension le monde du graphisme.

 

 

L’incompréhension et zizanie face à l’uniformisation des logos 

Pourquoi tendre vers une uniformisation des logos quand on apprend aux designers que le but ultime du logo c’est justement de se différencier des autres ? Pourquoi cette ferveur autour de cette nouvelle tendance du minimalisme, qui à terme devient bien plus qu’un phénomène de mode, presque un mode de vie ? 

En 2018, Graphéine (agence de branding et de communication française) lance quelques Tweets un peu agacés sur un constat général de la tendance graphique du moment : le minimalisme. Ils mettent alors en évidence la ressemblance flagrante et la pauvreté graphique des nouveaux logos des milieux du Luxe et de la Tech. Entre incompréhension et véritable choc face au changement radical de certaines marques, le Minimalisme dans les logos a créé beaucoup de controverses avec des opinions souvent très tranchées sur le sujet : 

  • D’un point de vu marketing, il s’agit plutôt d’un bon point : ce sont des économies de temps, d’énergie, mais surtout de budget ! 
  • Les graphistes « puristes » ne comprennent pas le pourquoi de cette uniformisation quand leur formation leur a spécifiquement appris que le but d’un logo était de se démarquer. Ils qualifient cette tendance de Blanding (mot emprunté de l’anglais qui est un néologisme contractant le mot branding avec le mot « bland » signifiant fade, sans saveur ou sans personnalité).
  • Enfin, certains  ne comprennent pas l’irritabilité qu’il y a eu face à cette nouveauté. Deux des critères les plus importants dans le graphisme sont la lisibilité et la visibilité. Le Minimalisme remplit ces deux fonctions à la perfection . Selon eux, ce penchant pour l’uniformisation est passager . Ils pensent d’une part qu’il s’agit ici d’une tendance qui sera amenée à bouger, et que d’autre part cela ne dérange que des professionnels qui n’auraient pas confiance en leurs capacités à suivre et à rebondir. Ils avancent que c’est là une occasion pour développer les autres axes d’une identité (visuelle, musicale, olfactive…). Plutôt que de voir cela comme une économie d’imagination, il s’agirait ici au contraire de challenger sa propre créativité.

Minimalisme dans la mode : Une stratégie globale 

Dans le milieu du Luxe, nous avons la preuve la plus flagrante de cette uniformisation des logos. Les grandes maisons de la mode abandonnent leurs identités symboliques et se tournent vers une image sobre, dénuée de sens si ce n’est que le nom de la marque qui se suffit à lui-même. Ainsi voit-on disparaître l’utilisation du monogramme de Yves-Saint Laurent en tant que logo et autres typographies élégamment travaillées de Balmain pour être remplacées par les linéales (fortement similaires entre elles) pour tous. Pourquoi balayer d’un revers de la main des années d’histoire et d’identité pour se réduire à un nom ?

On pourrait expliquer ce choix par trois hypothèses : 

  • Les maisons de Luxe savent qu’elles n’ont plus besoin d’une identité visuelle pour être reconnues et distinguées. Seule la mention de leur nom suffit à évoquer une histoire forte bien ancrée dans l’esprit de toute personne et ce, même à l’international. Se défaire alors de temps en temps de l’identité première permet de donner un coup de frais à certaines marques vieilles de plusieurs décennies.
  • On essaie de se délester de toute appartenance culturelle ou religieuse déjà existante pour créer son propre mouvement. Ainsi on ouvre la porte à beaucoup de clients, d’adhérents à une vision singulière et commune aux consommateurs de la marque. C’est aussi une bonne façon de jongler entre les tendances qui défilent à vive allure à l’heure de la fast-fashion. 
  • Les jeunes créateurs qui se succèdent à la tête de ces maisons ont donc tout le loisir de réinventer la marque, voire même de se faire un nom (comme Olivier Rousteing à la tête de Balmain). Ils n’hésitent donc pas à surfer sur l’opportunité d’éclipser les fondateurs originaux afin de marquer à leur tour l’histoire du luxe. Certains n’hésitent plus à modifier le nom de la maison comme celle de Martin Margiela qui se sépare du « Martin » afin de conserver uniquement le nom comme une marque à part du fondateur. 

Le Less Is More devient alors une porte ouverte à des possibilités jusqu’alors inexplorées dans un cadre considéré comme trop conservateur. Ces marques se laissent une chance de se réinventer, quitte à sacrifier leur patrimoine visuel historique. 

 

L’identité visuelle : Au delà du logo 

Penchons-nous sur la façon dont on construit une identité. Le logo n’en est qu’une composante. L’identité de marque est construite à partir de nombreux éléments : l’univers graphique, les couleurs, les typographies, les règles de composition, le slogan, les valeurs, les traitements graphiques…

Si nous revenons à la source même du logo : Le logotype est un symbole, c’est-à-dire un ensemble de formes et de signes graphiques véhiculant une idée, un message.

De même, il est important de différencier les types de logo en fonction de la prédominance de certains composants tels que le signe, la typographie, la couleur… Ainsi nous avons par exemple le logo typographique, le logo symbolique, abstrait, figuratif, etc. 

Décrit de la sorte, le logo semble être le pilier d’une identité. Cependant, les autres éléments sont tout aussi importants, au point parfois de renverser les rôles et de devenir à leur tour des marqueurs d’esprit. Par exemple, la couleur est une information que l’on peut qualifier de facilement digeste. En effet, c’est un élément visuel que le cerveau retient le plus facilement (après le contraste). Ainsi, nous associons le Coca-Cola au rouge et au blanc, la Xbox au vert, LaPoste au jaune… Le slogan, bien qu’il ne soit pas une partie visuelle, fait partie de l’identité de la marque et véhicule les valeurs de celle-ci : « Just do it », Nike.

 

Une marque peut tout à fait bâtir son identité sur son univers graphique singulier plutôt que sur son logo. Nous pouvons prendre le cas Desigual comme exemple, qui a un logo qu’on pourrait qualifier de minimaliste (logo typographique formé de linéales dont le « s » a subi une simple rotation en miroir. Il devient blanc quand il se retrouve sur un fond de couleur. Rien de plus.) mais qui a une identité riche et presque maximaliste . Le logotype est volontairement simpliste afin de mieux ressortir dans les visuels complexes et colorés, presque psychédéliques qui sont intrinsèquement liés à l’identité de Desigual.

On se rend compte aussi que la grande tendance est à l’expérience utilisateur. Si on « économise » l’impact visuel des logos, on met beaucoup de budget à marquer les esprits avec l’expérience que l’on offre au consommateur. Ainsi nous voyons apparaître d’autres composantes qui accompagnent l’identité visuelle : les signatures olfactives (la colle Cléopatra qui sent l’amande), les jingles (la SNCF, Société Nationale des Chemins de fer Français) et autres identités sonores, le retail design, les évènements (le défilé de Victoria Secret), etc.

En partant de ce principe, les marques qui ont revisité leur logo, ont-elles réellement sacrifié leur identité ? Ou ont-elles simplement réorganisé l’identité de marque ? 

Sur ce point nous pouvons donc souligner la démarche de certaines marques qui ont conservé leur signe dans leur refonte, comme Yves Saint-Laurent qui chérit encore son célèbre monogramme sur ses produits malgré leur renaming en Saint-Laurent, tout comme Chanel ou Louis Vuitton. Leur logo est différent, mais leurs anciens emblèmes qui ont une valeur historique n’ont pas disparu de leur identité. 

En prenant du recul sur cette vague du « blanding », nous pouvons affirmer que dans certains cas, il ne s’agit pas d’une suppression d’éléments fondamentaux de l’identité, mais d’une restructuration stratégique.

Attention !

Pour les « petites » structures ou les entreprises naissantes, la stratégie de vouloir faire comme les gros est contre productive ! Personne ne connaît le nom de l’enseigne du boucher d’en face ou le produit de la nième startup de 2025. Stratégiquement parlant, choisir le Less Is More c’est prendre le risque d’être oublié, perdu dans le flot de la concurrence, voire même complètement introuvable quand l’intérêt pour le produit ou le service en question naît plus tard. Il faut à tout prix marquer les esprits quand on est nouveau ou « petit ». Les grandes marques ont d’abord été audacieuses à leurs débuts. Elles n’ont pas eu peur de penser différemment, de révolutionner leur époque, tout en sachant vivre avec, pour parler d’un futur auquel nous pourrions tous nous identifier. Elles ont d’abord eu l’audace d’assumer le statut « d’original » avant d’imposer leur vision du monde. La success story n’est pas de suivre les plus grands mais de les challenger. 

C’est peut-être ici, avec les enseignes de proximité, à petite échelle ou naissantes, que les graphistes doivent remplir leur rôle pédagogique et de conseiller stratégique afin de laisser parler une créativité plus libre par la suite. En expliquant à leur client le rôle d’un logo, et surtout d’une identité visuelle disruptive, et parvenir à leur faire prendre conscience de l’importance du fait de se différencier de la concurrence.

  • Lindy-Ann Louis-Sidney, 2022

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